Re: [Littérature] topic: poesie

par emmo Jeu 17 Aoû 2006 - 10:46

et si on ne comprend pas l'espagnol? Mrgreen

(tu vis bien comme un espagnol pour poster à quasi2h du mat'^^)

Je ne suis un poète que parce que je m’en donne le titre
Je me cache derrière ce voile, superficiel réel
Délaissant le génie de l’Homme, je ne me révèle
Qu’en regardant mon double dans une vitre.

Ce voile ma conscience satisfaisant, me permet
D’échapper au flux infernal de la tempête de la vie
Ce vent érodant mes convictions, inondations, délits,
Véritable bourrasque inconnue, force du Destin invisible.

Pierre, je résiste, le déchaînement des éléments
Stoïque, j'existe, survit, préservé par ce masque
Ma fierté me rappelant, errant, je mens

Lecteur, au fil de ce poème insensé
Je poursuis ma quête, mon odyssée
Suspendant le temps de mon doigt illuminé.

par miss mushroom Jeu 17 Aoû 2006 - 18:59

post qui ne sert purement à rien, juste pour redire à emmo que son poème est vraiment magnifique (un peu creux comme réflexion, mais bon, on fait avec skon a!!)

par Grand Ric Jeu 17 Aoû 2006 - 21:32

Je peux poster un Quatrain de Rimbaud ? Rolling Eyes

Certainement les plus beaux vers de Rimbaud (en tout cas, ceux qui m'ont le plus marque)

L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins ;
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain.

par Grand Ric Ven 18 Aoû 2006 - 8:54

By the Way, je decouvre un troisieme poeme de Saint-Amant :

Fagoté plaisamment comme un vrai Simonnet,
Pied chaussé, l'autre nu, main au nez, l'autre en poche,
J'arpente un vieux grenier, portant sur ma caboche
Un coffin de Hollande en guise de bonnet.

Là, faisant quelque fois le saut du sansonnet,
Et dandinant du cul comme un sonneur de cloche,
Je m'égueule de rire, écrivant d'une broche
En mots de Pathelin ce grotesque sonnet.

Mes esprits, à cheval sur des coquecigrues,
Ainsi que papillons s'envolent dans les nues,
Y cherchant quelque fin qu'on ne puisse trouver.

Nargue : c'est trop rêver, c'est trop ronger ses ongles ;
Si quelqu'un sait la rime, il peut bien l'achever.

par galgala Mer 23 Aoû 2006 - 4:13

Je débarque sur ce forum, et c'est un bonheur de lire ce topic. Aussi je m'empresse d'y donner à lire un poème, lu ce soir, de Régine Foloppe Ganne (poétesse contemporaine) :

Vous embrasser fut si doux
Qu'une rose tombe encore
Peu à peu dans la neige

Son bruit ne perce rien
Qu'un peu de peine restée

Une habitude du corps
A l'entrée du jardin

A l'occasion, je jetterai dans ces pages quelques textes personnels. Pour l'heure, je préfère me délecter de toux ceux qui précèdent.

par Invité Mer 23 Aoû 2006 - 9:40

Pour ma part j'apprécie la poésie de Ronsard, de De Nerval, de Benserade, de Desportes..mais j'aime aussi Lamartine et parfois Hugo.

SONNET XLIII
Pour Hélène (celui ci est en ancien français)

Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle ,
Assise auprès du feu, devidant et filant ,
Direz chantant mes vers, en vous esmerveillant ,
Ronsard me célébroit du temps que j’estois belle.

Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Desja sous le labeur à demy sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille resveillant,
Bénissant vostre nom, de louange immortelle.

Je seray sous la terre et, fantôme sans os
Par les ombres mytreux je prendray mon repos :
Vous serez au fouyer une vielle accroupie .

Regrettant mon amour & vostre fier desdain .
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dés aujourd’huy les roses de la vie.

Pierre de Ronsard

Desportes, Les amours d'Hippolyte

Icare est chut ici, le jeune audacieux,
Qui pour voler au Ciel eut assez de courage :
Ici tomba son corps degarni de plumage,
Laissant tous braves cœurs de sa chute envieux.

Ô bienheureux travail d'un esprit glorieux,
Qui tire un si grand gain d'un si petit dommage !
Ô bienheureux malheur, plein de tant d'avantage
Qu'il rende le vaincu des ans victorieux !

Un chemin si nouveau n'étonna sa jeunesse,
Le pouvoir lui faillit, mais non la hardiesse ;
Il eut, pour le brûler, des astres le plus beau.

Il mourut poursuivant une haute aventure,
Le ciel fut son désir, la mer sa sépulture :
Est-il plus beau dessein, ou plus riche tombeau ?

Desportes

Voilà deux poèmes..je n'insère pas La lac de Lamartine, beaucoup trop long, mais très beau au demeurant...

Voilà !!
A bientôt,

Desiderius

par galgala Mer 23 Aoû 2006 - 13:15

Bonjour !
Ce matin, j'ai terminé le recueil de Régine Foloppe Ganne commencé la veille, aussi je ne résiste pas au plaisir de vous donner à lire trois autres petits textes. Le recueil s'intitule "Tributaires du vent".

Il l'aima.

L'hiver fringant sortait ses cerisiers.

Pour toucher sa joie, il trouva des prétextes :
une lanière, une mouche,
une biche qui passe.

Les arbres avaient des joailleries.

Il posa sa main grise sur des souffles d'elle,
il accrochait ses pull-overs.

Elle avait vu des cyclistes rouges,
elle ne s'en souvenait plus,

il souleva son corps de ses yeux,
il mit sur elle toutes ses mains,

dans un manteau à boucles, une encolure,

dans le soleil de certains animaux,
il vit qu'elle était belle et qu'elle voulait bien.

Un jour, ce sera si fort que je pousserai cette porte cochère (au milieu d'un jardin, cette porte qui ne sépare rien que des fleurs de la mer...).
Je pousserai avec l'épaule et la vague, avec la robe et la bouche, avec la respiration.
Et l'angle s'ouvrira, le biais où je vous ramènerais mon corps, l'intrusion des pétales.
J'aurai veillé longuement, attendant de votre solitude cette tristesse, l'abandon parfait où nous laisse le bord des forêts.
Je vous prêterai des choses par amour si nous vient la chape bleue du soir.

Moi, à cheval, je repenserai à vous.
Le ciel s'écartera.
Dans une allée de fruits rouges,
J'irai longtemps vers votre jardin.
Et mon corps glissera.
Les clairs-obscurs iront vite, et la neige et les acacias.
Et ma toilette dans les groseillers,
Je déferlerai dans le soir, dans des cavaleries de femmes et de sensations fortess.
Le rose de la fin de l'hiver, je m'en mettrai plein les mains.
L'avancée sera belle.
Pour vous redonner des gouttes d'agrumes, des caresses dans la bouche, je vous retrouverai peut-être au bout.

J'ai lu qu'il y avait un club poésie - quelqu'un sait-il ce qu'on y fait ?
Bonne journée,

par Nibelheim Lun 28 Aoû 2006 - 23:19

Pas trop, ça m'intéresserait de savoir aussi ...
Moi je vais citer un haïku. Oui ces petits poèmes étranges japonais.
Il n'est pas de moi c'est une traduction, que j'ai lue dans une anthologie.
Et Il m'a énormément marquée pour ne pas dire choquée ...

Sur la balancoire
Victime de la Bombe
La petite fille morte.

par galgala Lun 28 Aoû 2006 - 23:52

En effet, celui-là fait froid dans le dos.
Pour se requinquer, un petit peu d'Eluard ?

Je t'aime pour toutes les femmes que je n'ai pas connues
Je t'aime pour tous les temps où je n'ai pas vécu
Pour l'odeur du grand large et l'odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs
Pour les animaux purs que l'homme n'effraie pas
Je t'aime pour aimer
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'aime pas

Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu
Sans toi je ne vois rien qu'une étendue déserte
Entre autrefois et aujourd'hui
Il y a eu toutes ces morts que j'ai franchies sur de la paille
Je n'ai pas pu percer le mur de mon miroir
Il m'a fallu apprendre mot par mot la vie
Comme on oublie

Je t'aime pour ta sagesse qui n'est pas la mienne
Pour la santé
Je t'aime contre tout ce qui n'est qu'illusion
Pour ce coeur immortel que je ne détiens pas
Tu crois être le doute et tu n'es que raison
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi.

par emmo Mar 29 Aoû 2006 - 10:55

je crois mon poème préféré avec Nevermore, Le Clown, Henri Michaux:
(c'est vrai que c'est plutôt de la prose poétique mais bon...)

Un jour.
Un jour, bientôt peut-être.
Un jour j'arracherai l'ancre qui tient mon navire loin des mers.
Avec la sorte de courage qu'il faut pour être rien et rien que rien, je lâcherai ce qui paraissait m'être indissolublement proche.
Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
D'un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînements "de fil en aiguille".
Vidé de l'abcès d'être quelqu'un, je boirai à nouveau l'espace nouricier.
À coups de ridicules, de déchéances (qu'est-ce que la déchéance?), par éclatement, par vide, par une totale dissipation-dérision-purgation, j'expulserai de moi la forme qu'on croyait si bien attachée, composée, coordonnée, assortie à mon entourage et à mes semblables, si dignes, si dignes, mes semblables.
Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une intense trouille.
Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m'avait fait déserter.
Anéanti quant à la hauteur, quant à l'estime.
Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité.

CLOWN, abattant dans la risée, dans le grotesque, dans l'esclaffement, le sens que contre toute lumière je m'étais fait de mon importance.
Je plongerai.
Sans bourse dans l'infini-esprit sous-jacent ouvert à tous,
Ouvert moi-même à une nouvelle et incroyable rosée
à force d'être nul
et ras...
et risible...

j'aime son côté acerbe mais en fait je ne ressens même pas le besoin d'expliquer pourquoi j'aime ce poème: il parle de lui-même...

par Grand Ric Ven 29 Sep 2006 - 21:48

Un type qu'on oublie trop souvent, qu'on ne lit pas assez : Anonyme ^^

Entre ciel et terre
Un nuage
De poussière
De lumière
Et d'amour
A pleuré des larmes amères
On ne les a pas vues --
Oh l'ancienne blessure, blessure inconnue !
Petit nuage de regret, de remord et d'amour
Petite larme... je t'ai vue !

par c3lc1u5 Ven 29 Sep 2006 - 21:50

Et il mériterai d'être plus connu Razz

(celui la n'est pas mauvais mais je ne suis pas un expert en poesie mais notre prof de francais dit justement : "Vous etes aussi capable qu'un expert de sentir, votre potentiel d'émotion et de sensibilité est égal")

par Grand Ric Ven 29 Sep 2006 - 21:56

Il y en a d'autres de lui, mais je ne sais plus trop si c'est du même, leurs noms se ressemblent tellement... ^^' (j'arrête là cet humour foireux)
En tout cas ravi qu'il te plaise, puisqu'il me plaît à moi. Rolling Eyes

par c3lc1u5 Ven 29 Sep 2006 - 22:11

Et en plus avec ce genre d'auteurs ce qui est bien c'est qui'l n'y à jamais de problèmes avec les droits d'auteurs.

par Janek Sam 7 Oct 2006 - 13:08

Trouvé en salle de cours, sur une table, petits papiers chiffonnés :

Objet de mes rêves

Douceur de mes nuits

Tu me dis parfois que je suis bête
Moi je dis que tu m'entêtes
Je n'en fais qu'à ma tête
Tu es la Belle et moi la Bête

Ca vole haut en HK... Rolling Eyes

(Et à l'écriture ça semble être de mon délégué)
(N'empêche que pour le dernier on est parti sur une analyse, très fine, et, honnêtement, il y a énormément de choses à dire là-dessus, si ça vous interesse j'vous ferais une synthèse de l'analyse)

par Antinome-de-Prusse Sam 7 Oct 2006 - 13:39

Oui... tu posteras ça dans la partie "prépa littéraire" à la suite de vos deux dissertations. Tu devrais aussi rajouter une écriture d'immagination et comme ça tu auras illustré les trois exercices type bac pour les PTBD!

[Littérature] topic: poesie - Page 3 Dehors2

[Littérature] topic: poesie - Page 3 Dehors2

(j'ai bien apprécié le balancement des disserts en trois parties avec intro et conclusion Wink

)

par tigrou Mer 20 Juin 2007 - 2:09

Voici le premier sonnet d'une série de 5 ou 6, titrée "Wendy", de ma composition :

Il y avait longtemps que je n’avais écrit,
Mais c’est pour toi, Wendy, mesure ta puissance,
C’est pour toi qu’à nouveau sont éveillés mes sens,
C’est pour toi que je m’y remets aujourd’hui.

Cette flamme, il est vrai, n’est là que depuis peu,
Mais déjà elle trouble mon sommeil, mes yeux,
Ne se veulent fermer qu’en ayant vu tes yeux,
Mais te voir sans cesser, hélas, je ne le peux.

Non pas que je ne veuille, mais as-tu envie,
Que nous puissions enfin nous voir jusqu’à la nuit ?
J’aimerais tant ne plus devoir toujours attendre,

Qu’arrive vendredi pour te pouvoir entendre.
Il y avait longtemps que je n’avais écrit,
Mais toi, Wendy, tu m’en as redonné l’envie.

À part ça, mon poète préféré est sans conteste Baudelaire. Voici donc un de ses poèmes, parmi les nombreux que j'aime tant :

À une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse,
Soulevant, balançant, le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouaragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici, trop tard, jamais* peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

* le mot souligné est en italique dans le texte

La suite dans un post ultérieur...

par tigrou Lun 25 Juin 2007 - 17:31

Je relance le topic (ou du moins j'essaie) avec le deuxième de "Wendy" :

Je n’arrive pas plus à dormir qu’hier soir,
Et j’ai bien l’impression que tu en es la cause :
À mes pensées sans cesse revient cette rose,
Cet espoir que je puisse ici t’apercevoir.

Mon amour déclaré il me reste à le dire,
De la façon toujours la plus belle possible.
Pour qu’ainsi malgré que ceci soit impossible,
Tu puisses entrevoir tout ce qu’est mon désir.

Mais ce désir n’est pas vraiment philosophique :
Sa réalisation n’en serait pas la mort,
Elle en serait plutôt l’apogée, l’âge d’or.

Car ce désir de toi est immortel, chronique.
Je n’arrive pas plus à dormir qu’hier soir,
En espérant pouvoir ici t’apercevoir.

par Nibelheim Lun 25 Juin 2007 - 17:45

En tout cas tu as mis un de mes poèmes préférés de Baudelaire alors merci =)

Pour tes poèmes, je n'ai jamais été douée pour la critique. Je les trouve plutôt pas mals, mais on sent que tu aurais pu encore plus exploiter la forme du sonnet, qui pour moi est vraiment l'orfèvrerie par excellence, dans le domaine de la poésie. Il s'agit de se battre avec la forme pour faire ressortir le ressenti sans que cela paraisse forcé ou difficile. Il y a des vers qui me plaisent bien, d'autres auxquels j'accroche moins. Par exemple :

Pour qu’ainsi malgré que ceci soit impossible,
Tu puisses entrevoir tout ce qu’est mon désir.

ces deux là me semblent un peu lourds, au niveau des sonorités, et au niveau syntaxique (beaucoup de "qu") De ce fait j'ai parfois un peu de mal à accrocher, mais c'est une question de goût et le sonnet est une forme très difficile ... Ceci dit, je te dis bravo quand même, je ne suis pas sûre de parvenir à réécrire des sonnets qui tiennent debout aujourd'hui Wink

Continue surtout, et n'hésite pas à proposer d'autres poèmes de ta composition !
Ou alors tu ne voulais pas forcément d'avis et là je me plante totalement.

Sinon je pensais, ne vaudrait-il pas mieux séparer nos poèmes à nous et les autres ? *Nib qui se pose des questions*

par tigrou Lun 25 Juin 2007 - 23:18

Nibelheim a écrit:
mais on sent que tu aurais pu encore plus exploiter la forme du sonnet, qui pour moi est vraiment l'orfèvrerie par excellence, dans le domaine de la poésie. Il s'agit de se battre avec la forme pour faire ressortir le ressenti sans que cela paraisse forcé ou difficile. Il y a des vers qui me plaisent bien, d'autres auxquels j'accroche moins. Par exemple :
Pour qu’ainsi malgré que ceci soit impossible,
Tu puisses entrevoir tout ce qu’est mon désir.

Je laisse quasiment tous mes poèmes, surtout cette série, tels que je les ai écrits en premier jet. C'est pourquoi quelques passages sont un peu lourds, mais c'est que je n'ai rien trouvé de mieux le soir dans mon lit, en moins d'1/2h et poussé à écrire par l'insomnie. Je trouve que de les retravailler leur enlève de leur sincérité et de leur spontanéité (dans les poèmes de cette série je me suis limité autant que possible à ce que je ressentais vraiment et j'ai essayé de ne pas exagérer).
Pourtant ça vaudrait peut-être le coup d'essayer de les améliorer maintenant qu'ils ne sont plus d'actualité.

Ou alors tu ne voulais pas forcément d'avis et là je me plante totalement.

Je n'en recherchais pas précisément, mais j'avais considéré l'éventualité, et au contraire j'aime bien avoir des avis !

Et pour finir sur une note poétique, un Lamartine, classique mais magnifique :

Le lac
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :

" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !

Plus dans un post ultérieur ...

par c3lc1u5 Mar 26 Juin 2007 - 0:17

Arg Lamartine ... je développerai plus tard ;p

par Invité Mar 26 Juin 2007 - 0:31

Une Charogne

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux:
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Le ventre en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague
Ou s'élançait en pétillant
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion!

Oui! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Apres les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés!

par tigrou Mar 26 Juin 2007 - 0:48

Super, La Charogne !! J'adore le petit fond d'ironie provocatrice, et en même temps la désillusion notable.

Toujours Baudelaire bien entendu :

La Chevelure

O toison, moutonnant jusque sur l’encolure !
O boucles! O parfum chargé de nonchaloir !
Extase! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir !

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d’autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour! nage sur ton parfum.

J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l’ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève !
Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :

Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur;
Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse
Dans ce noir océan où l’autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé !

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m’enivre ardemment des senteurs confondues
De l’huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?

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2 vers seulement, du "Crépuscule du Matin" (Tableaux Parisiens, Les Fleurs) :

L’aurore grelottante en robe rose et verte
S’avançait lentement sur la Seine déserte

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Un de mes préférés :

Le Léthé

Viens sur mon coeur, âme cruelle et sourde,
Tigre adoré, monstre aux airs indolents;
Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants
Dans l’épaisseur de ta crinière lourde;

Dans tes jupons remplis de ton parfum
Ensevelir ma tête endolorie,
Et respirer, comme une fleur flétrie,
Le doux relent de mon amour défunt.

Je veux dormir! dormir plutôt que vivre!
Dans un sommeil aussi doux que la mort,
J’étalerai mes baisers sans remord
Sur ton beau corps poli comme le cuivre.

Pour engloutir mes sanglots apaisés
Rien ne me vaut l’abîme de ta couche;
L’oubli puissant habite sur ta bouche,
Et le Léthé coule dans tes baisers.

Bon j'arrête là pour ce soir. Et Hourra pour Baudelaire !

par Janek Mar 26 Juin 2007 - 1:03

Un poème qui m'a marqué, trouvé dans le recueil Action Poétique - Chili, un poème d'Héctor Pinochet ("qui porte le même nom que son bourreau") intitulé Arrêtons la mort

Hector Pinochet a écrit:Au jeune homme silencieux qui marche
sur les traces du matin,
à l'adolescence rêvant le bonheur,
à la mère qui bientôt enfantera la rose,
au poing qui à force de sueurs
fait surgir le pain, la maison, les métaux,
au petit commerçant de l'épicerie-bazar,
au chauffeur qui transporte les bras de la patrie,
à l'infirmière et à l'artiste,
à l'employé et à l'étudiant,
au coeur immense du Chili,
ferme et tendre comme l'immortelle,
à tous, à vous tous
j'adresse ces simples mots d'un poète simple
qui demande seulement qu'on l'écoute :

aujourd'hui je vous ai vu comme toujours.
Je suis allé par les rues
en quête de ville, vitrines,
autobus, éclats de foule, places et passages.
Toutes choses qui composent ma vie.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les sémaphores
clignaient des yeux,
étranges yeux de feu et de printemps,
les gens achetaient dans les magasins
et tout était naturel et joyeux :
Toi, collégienne insoucieuse, tu donnais de petits baisers à l'oublie ;
Toi, footballeur imberbe, tu serrais la sphère du monde sur ton coeur ;
Toi, l'épouse inquiète, tu pressais le pas
et tes lèvres emportaient la caresse de l'aimé
comme un copihue en flammes.
Toi, l'ouvrier vigilant, tu passais et passais près de moi
avec ta force infinie.
Oui. Tout était naturel et joyeux
et tellement semblable aux autres vendredis.

Mais
tandis que toi tu marchais.
Mais
tandis que toi tu souriais.
Mais
tandis que toi tu déployais
l'espoir sur ta jupe
et que des enfants ahetaient des cacahuètes,
que des femmes montaient dans l'autobus.
Tandis que le pain peuplait
de soleils les corbeilles
et que le lait descendait
en chantant dans la gorge,
quelqu'un aux orbites vides
quelqu'un à la cervelle brûlée
quelqu'un aux doigts de balles
martèle et martèle dans le noir,
contruit la fièvre et la haine,
se hérisse de pointes sanglantes.

Il y a une ombre, frère, il y a une ombre
comme un vautour à l'affût :
elle ne veut pas que tu coures, petite fille.
Elle ne veut pas que sautes, petit garçon.
Etudiants, elle ne veut pas que vous étudiez.

Il y a une ombre, mère, il y a une ombre
qui éteint tes entrailles,
qui s'acharne à mutiler l'allégresse de tes bras.

Il y a une ombre, frère, il y a une ombre,
à chaque coin de rue, à chaque kiosque.
Elle a la couleur noire des téléphones,
elle a la puanteur des billets de Washington
et elle grouille d'araignées mortelles.

Qu'elle ne passe pas, frère, qu'elle ne passe pas !
Mettons là ta main et ma main !
Croisons là nos deux poitrines !
Dressons ici ton poing et mon chant !

Nous voulons que les pluies de Juillet
fassent pousser un nouveau printemps.
Nous ne voulons pas un hiver sanglant.

Attachons la bête obscure !

Joignons les sueurs et les rires,
l'amour, les chansons,
pour élever une autre cordillère :

Il faut barrer la route aux assassins noirs.

Construire aujourd'hui la vie.
Arrêter aujourd'hui la mort.

Dans la même veine, un court poème de Pablo Neruda, extrait de l'incitation au NIXONICIDE et éloge de la révolution chilienne, et intitulé Jamais (le 26° du recueil)

Pablo Neruda a écrit:
Seul celui qui tue fait pout moi partie
de ceux que j'exclue de mes sentiments.
Ne poussons pas la Patrie à l'agonie

condamnée à la douleur et au sang.

C'est contre cela qu'est ma poésie
qui va en tous lieux, tout comme le vent.

par c3lc1u5 Mar 26 Juin 2007 - 11:00

J'adore la Charogne et j'ai pris un plaisir délectable à l'apprendre ... ce fut une de mes premières découverte de la poésie de Baudelaire avec cela :

Ma femme est morte, je suis libre!
Je puis donc boire tout mon soûl.
Lorsque je rentrais sans un sou,
Ses cris me déchiraient la fibre.

Autant qu'un roi je suis heureux;
L'air est pur, le ciel admirable...
Nous avions un été semblable
Lorsque j'en devins amoureux!

L'horrible soif qui me déchire
Aurait besoin pour s'assouvir
D'autant de vin qu'en peut tenir
Son tombeau; — ce n'est pas peu dire:

Je l'ai jetée au fond d'un puits,
Et j'ai même poussé sur elle
Tous les pavés de la margelle.
— Je l'oublierai si je le puis!

Au nom des serments de tendresse,
Dont rien ne peut nous délier,
Et pour nous réconcilier
Comme au beau temps de notre ivresse,

J'implorai d'elle un rendez-vous,
Le soir, sur une route obscure.
Elle y vint — folle créature!
Nous sommes tous plus ou moins fous!

Elle était encore jolie,
Quoique bien fatiguée! et moi,
Je l'aimais trop! voilà pourquoi
Je lui dis: Sors de cette vie!

Nul ne peut me comprendre. Un seul
Parmi ces ivrognes stupides
Songea-t-il dans ses nuits morbides
A faire du vin un linceul?

Cette crapule invulnérable
Comme les machines de fer
Jamais, ni l'été ni l'hiver,
N'a connu l'amour véritable,

Avec ses noirs enchantements,
Son cortège infernal d'alarmes,
Ses fioles de poison, ses larmes,
Ses bruits de chaîne et d'ossements!

— Me voilà libre et solitaire!
Je serai ce soir ivre mort;
Alors, sans peur et sans remords,
Je me coucherai sur la terre,

Et je dormirai comme un chien!
Le chariot aux lourdes roues
Chargé de pierres et de boues,
Le wagon enragé peut bien

Ecraser ma tête coupable
Ou me couper par le milieu,
Je m'en moque comme de Dieu,
Du Diable ou de la Sainte Table!

Sinon un poète que j'ai découvert avec ravissement en même temps que Baudelaire c'est ... Mallarmé avec ce petit sonnet ... mystique et tout en sonorités et en évocations^^

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !

Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.

Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie,
Mais non l'horrreur du sol où le plumage est pris.

Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s'immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.

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