Le Monde a écrit:A Périgueux (Dordogne), le chef de l'Etat et le ministre de l'éducation se soutiennent. Nicolas Sarkozy s'est rendu, vendredi 15 février, dans cette ville dont Xavier Darcos est maire. Il y a prononcé un discours sur la réforme de l'enseignement primaire, qui entre dans sa phase finale avec l'annonce, d'ici quelques jours, de nouveaux programmes. M. Sarkozy a insisté sur sa volonté de refonder le consensus entre l'école et la nation, la première étant solennellement réaffirmée comme le creuset de la seconde.
M. Darcos, maire de Périgueux depuis 1997, brigue un troisième mandat dans une ville où Ségolène Royal a obtenu 56 % des voix au second tour de l'élection présidentielle. En s'affichant avec M. Sarkozy, il fait bloc dans des circonstances difficiles pour l'actuelle majorité. La réforme de l'école primaire donne au président et au ministre l'occasion d'insister sur des thèmes populaires comme l'apprentissage des "fondamentaux" (lire, écrire, compter), la maîtrise de la langue et l'acquisition des règles de civilité.
Cette réforme a démarré avec l'annonce, fin septembre, de la suppression des cours du samedi à partir de la rentrée 2008, mesure faisant passer l'horaire élèves de 26 à 24 heures par semaine. Les horaires des enseignants étant inchangés, les deux heures libérées seront consacrées aux élèves le plus en difficulté, qui bénéficieront de soutiens par petits groupes sous des formes décidées dans chaque école.
Au terme de discussions menées depuis novembre2007, M. Darcos a obtenu à ce sujet la signature, le 5 février, de deux syndicats (SE-UNSA et SGEN-CFDT), tandis que le syndicat majoritaire (SNUipp-FSU) consulte ses adhérents. Un document d'orientation, remis en novembre 2007 aux syndicats, aborde d'autres thèmes dont certains sont conflictuels, comme l'éventualité, au nom de "l'évaluation", de publier les résultats de chaque école. Les élèves de CM1 et CM2 en difficulté se verront proposer un "stage de remise à niveau", durant les vacances de printemps ou d'été. Ces stages doivent être expérimentés lors des prochaines vacances de Pâques.
M. Sarkozy a aussi abordé la philosophie des nouveaux programmes, voués à garantir l'acquisition du "socle commun de connaissances et de compétences" défini par la loi d'orientation d'avril 2005. En cours d'achèvement, ces programmes resserrés sur quelques dizaines de pages devront être "compris par les familles". Avant d'être soumis, fin mai, au conseil supérieur de l'éducation, ils doivent faire l'objet de discussions dans les écoles à l'occasion d'une demi-journée "banalisée" (sans enseignement). Ils devront aussi être examinés, sans vote, par les commissions parlementaires des deux assemblées.
Le président de la République a par ailleurs prôné, à Périgueux, un renforcement de l'instruction "civique et morale à l'école", passant par la réhabilitation du drapeau tricolore, de la figure de Marianne et de l'hymne national."Ce n'est pas faire du nationalisme que d'apprendre à nos enfants à respecter le drapeau de la nation qui est la leur" a déclaré Nicolas Sarkozy :"Devant le drapeau pour lequel nos anciens sont morts, on se lève (...) Ce sont des repères, des valeurs." Il a égaleement demandé aux élèves de se lever à l'écoute de l'hymne national. (– avec AFP)
Le Monde a écrit:Une mauvaise réponse à une bonne question. La décision du président de la République, annoncée, mercredi 13 février, lors du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), de "confier à chaque élève de CM2 la mémoire d'un enfant français victime de la Shoah", suscite la perplexité, des interrogations, voire de l'hostilité chez les historiens, les psychologues ou les pédagogues. Cette décision, visiblement prise sans concertation, embarrasse même une partie de la communauté juive.
Sarkozy: "On ne traumatise pas les enfants" avec un "cadeau de la mémoire"
Nicolas Sarkozy a défendu son idée vendredi 15 février à Périgueux. "On ne traumatise pas les enfants en leur faisant ce cadeau de la mémoire d'un pays, pour leur dire un jour, c'est vous qui écrirez l'histoire de ce pays. Nous, nous en sommes la mémoire, ne refaites pas les mêmes erreurs que les autres", a déclaré M. Sarkozy.
"Il s'agit d'une démarche contre tous les racismes, contre toutes les discriminations, contre toutes les barbaries, à partir de ce qui touche les enfants, c'est-à-dire une histoire d'enfants qui avaient leur âge", a poursuivi le chef de l'Etat. "C'est d'autant plus nécessaire, mesdames et messieurs, que les survivants de cette époque tragique de notre histoire vont disparaître (...) les témoins ne seront plus, et les témoins, pour que ça ne se reproduise plus, ce sont nos propres enfants qui, de génération en génération, se transmettront ce souvenir", a-t-il expliqué. – (avec AFP)
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"Lorsque nous avons évoqué la banalisation de l'antisémitisme, notamment chez les plus jeunes, et la nécessité de combattre les stéréotypes dès l'école primaire, on pensait davantage à une éducation à la tolérance. Notre demande ne portait pas sur le devoir de mémoire, car, en la matière, beaucoup de choses existent déjà", souligne-t-on au CRIF.
"IMPOSER LA MÉMOIRE"
Depuis la fin des années 1970, date du premier colloque organisé sur l'enseignement de la Shoah, les interrogations n'ont cessé, dans le monde enseignant, sur la meilleure manière de traiter le sujet de l'extermination des juifs. En 2002, lors d'un colloque à Strasbourg, Simone Veil, présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, prévenait : "Il ne faudrait pas que l'émotion provoquée par le témoignage des survivants dans les écoles aille de pair avec une allergie à la connaissance, que l'histoire se fragmente en une série d'anecdotes individuelles." "Il y a toujours plus et mieux à faire", estime Dominique Trimbur, chargé de mission à la fondation. Mais, à l'instar d'autres spécialistes, il s'interroge sur la possibilité d'"imposer la mémoire" à des écoliers.
Nul ne conteste la nécessité de transmettre aux nouvelles générations la connaissance de la solution finale, notamment pour faire pièce au négationnisme. Mais beaucoup jugent inopportune la confusion établie par le projet de Nicolas Sarkozy entre l'enseignement de la Shoah et le devoir de mémoire. "Quand on s'adresse à des enfants de CM2, on parle à une génération qui n'a pas de "souvenirs" de l'époque en question. On doit lui inculquer des apprentissages et non lui faire porter le poids des morts et de leur mémoire", juge l'historienne Annette Wieviorka.
Les inquiétudes portent aussi sur la charge émotionnelle qu'une telle démarche risque d'imposer à des enfants de 9 ans ou 10 ans. "Il ne faut pas personnellement impliquer un enfant en lui demandant de s'identifier au destin tragique d'un déporté car on perd le bénéfice de la distance affective, estime Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, dont les parents ont été déportés. Pour parler de la Shoah sans transmettre d'angoisse ou de traumatisme, il vaut mieux passer par les métamorphoses émotionnelles comme les contes, la poésie."
"Même si l'émotion est parfois un bon vecteur, je défends l'idée d'un enseignement qui fait appel à l'intelligence et à la réflexion. Avec ce projet-là, on n'est même pas dans l'émotion, on est dans la tétanie", s'indigne Mme Wieviorka. Connaissant les difficultés rencontrées par certains enseignants pour aborder ce thème, Alain Seksig, inspecteur de l'éducation nationale en Seine-Saint-Denis, se demande si un tel projet ne risque pas de déboucher "sur une concurrence des mémoires et des victimes". "Je ne vois pas bien comment l'on va demander au petit Mohammed de porter, durant un an, le sort du petit Schlomo", s'interroge un autre praticien.
"OEUVRE DE VIE"
Face à cette avalanche de critiques, Serge Klarsfeld, présenté comme l'inspirateur de M. Sarkozy sur ce sujet, ce qu'il dément, est l'un des rares à se féliciter de l'annonce du président. "Il est positif que cette mémoire soit largement diffusée dans le primaire. Ce n'est pas une mission morbide, c'est une oeuvre de vie que de se souvenir d'un enfant", déclare au Monde celui qui a identifié les 11 400 enfants français déportés.
Le projet du chef de l'Etat viendrait s'ajouter à un arsenal déjà fourni d'outils consacrés à l'enseignement de la Shoah. Au-delà de la journée annuelle de la mémoire de l'Holocauste instaurée à l'école depuis le 27 janvier 2003, les projets pédagogiques existent, en lien avec les enseignements prévus dans les programmes d'histoire et soutenus par la Fondation pour la mémoire de la Shoah.
Les témoignages de survivants, les oeuvres phares, comme celles de Primo Levi ou d'Elie Wiesel, sont abondamment utilisés par les enseignants ; et les visites au Mémorial de la Shoah, à Paris, dans les camps de transit, en France, ou les voyages au camp d'Auschwitz se sont multipliés ces dix dernières années.
Le Monde a écrit:Une partie des responsables politiques et le monde enseignant ont accueilli fraîchement la décision de Nicolas Sarkozy de confier à chaque élève de CM2 la mémoire d'un enfant déporté.
L'ancien premier ministre Dominique de Villepin l'a jugée "étrange". "Je ne crois pas que l'on puisse imposer la mémoire, que l'on puisse la décréter", a-t-il déclaré, jeudi 14 février. Au Parti socialiste, Jean-Luc Mélenchon a critiqué le chef de l'Etat qui voudrait "infliger une cure de mémoire aux écoliers". Il se démarquait ainsi du premier secrétaire, François Hollande, qui a jugé que "chaque fois que l'on peut transmettre les exigences du devoir de mémoire, il faut le faire". Ancien ministre de l'éducation, le président du MoDem, François Bayrou, a critiqué une décision prise "sans que l'on y ait réfléchi".
Une "première", selon le Mémorial Yad Vashem
La décision du président de la République de confier à chaque élève de CM2 la mémoire d'un enfant français victime de la Shoah est saluée par une porte-parole du Mémorial Yad Vashem, à Jérusalem : "C'est une approche très positive de se souvenir et de s'identifier avec des jeunes victimes de l'Holocauste." Des associations cultivent la mémoire en retraçant la vie de victimes, mais c'est la "première fois" qu'une telle initiative émane d'un chef d'Etat.
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L'UMP a approuvé "avec force" l'annonce de M. Sarkozy. Le président du groupe à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, s'est félicité d'une "démarche qui invite les enfants de France à se sentir associés à l'indispensable devoir de mémoire" et "honore l'idée que nous nous faisons de notre République".
"UN PEU NORMATIVE"
Le Syndicat des enseignants-UNSA s'est dit "particulièrement choqué de cette initiative du président, qui ignore tout de la façon dont un jeune se construit". Jugeant que l'enseignement de la Shoah et des valeurs de la République "n'est pas affaire d'émotion", il a dénoncé "une nouvelle intrusion du politique dans le pédagogique". Le Snuipp-FSU a estimé que cette décision comportait des "risques de troubles psychologiques" et pouvait avoir "un effet contraire à l'objectif recherché". Il a regretté une "annonce faite sans aucune consultation des enseignants, psychologues et pédopsychiatres".
Le ministre de l'éducation nationale, Xavier Darcos, a confié dans la journée de jeudi une "mission pédagogique" à Hélène Waysbord-Loing, présidente de l'association de la Maison d'Izieu, afin qu'elle élabore "les documents pédagogiques valorisant ce travail auprès des enseignants". M. Darcos a concédé que l'idée du président, "que l'on peut trouver bonne ou mauvaise", était "un peu normative", puis a affirmé que "la relation personnelle, affective entre un enfant d'aujourd'hui et un enfant du même âge qui a été enlevé et gazé pourra permettre de construire un travail pédagogique". Il s'agit "de donner du sens à l'horreur", a défendu le ministre.
La Fondation pour la mémoire de la Shoah, rappelant que l'histoire de l'Holocauste est déjà abordée au primaire, a exprimé sa "confiance dans la capacité du ministère à mettre (cette idée) en oeuvre avec le souci de ne pas heurter les différentes sensibilités".
La décision du président de la République de confier à chaque élève de CM2 la mémoire d'un enfant français victime de la Shoah est saluée par une porte-parole du Mémorial Yad Vashem, à Jérusalem : "C'est une approche très positive de se souvenir et de s'identifier avec des jeunes victimes de l'Holocauste." Des associations cultivent la mémoire en retraçant la vie de victimes, mais c'est la "première fois" qu'une telle initiative émane d'un chef d'Etat.
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